Edifié en 1551 par Dom Jean Loisier, 48ème abbé de Cîteaux, le château du Clos de Vougeot, dont l’architecture marque subtilement la transition du Moyen-âge à la Renaissance, ne pouvait constituer meilleur cadre pour la fête "Livres en Vignes". Du 26 au 28 septembre, s’y déroulera en effet la première édition d’un festival auquel on ne peut que souhaiter beaucoup de succès. Son objectif est de promouvoir tant la littérature dite générale que celle consacrée à la vigne et au vin, au travers d’une riche programmation de rencontres-débats, conférences, dédicaces, animations, expositions et même d’un chapitre de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin. Un prix littéraire du Clos de Vougeot sera créé (littérature générale), ainsi qu'un prix "Livres en Vignes" (littérature autour du vin).
Une soixantaine d’auteurs seront présents, dont, pour ne citer que ceux-là : Michel Le Bris, Madeleine Chapsal, Jean-Pierre Alaux, Yann Queffélec (La dégustation, …), Gérard Oberlé (Itinéraires spiritueux, …), Jean-François Bazin, Claude Chapuis (Le chemin des vignes, …), François Morel (Les objets de la vigne et du vin, …) ou encore Jean-Robert Pitte (Bordeaux Bourgogne : les passions rivales, Le vin et le divin, …) qui présidera l’événement.
Entrée gratuite. Renseignements : www.livresenvignes.com
Un auteur méritera particulièrement d’être mis à l’honneur : Benoît Chauvin, qui vient de rédiger un somptueux ouvrage sur le Clos Vougeot. Historien au CNRS, spécialisé des cisterciens depuis quarante ans, c’est en homme de science tout autant que de lettres que Benoît (le bien prénommé) Chauvin a abordé son sujet. Articulé en trois grandes parties, le résultat de ses travaux impressionne notamment par les nouveautés qu’il a pu mettre à jour, sur un château et une histoire que l’on croyait amplement balisés.
« Hier, les moines cisterciens », première partie du livre, s’attache à faire revivre le contexte interne et externe (société, économie, démographie) de l’ordre cistercien, sans lequel ni le clos ni son château n'existeraient. La seconde partie fait défiler neuf siècles d'histoire, de la constitution du clos (vers 1170-milieu XIVe siècle), voire des prémices discrètes (dès 1110) au morcellement (depuis 1889). Constitué à partir de donations faites à leur ordre, le vignoble est en effet cultivé par les moines dès le XIIe siècle. Inlassablement, ils cherchent à améliorer leurs méthodes, non sans succès, conférant à leur vin une renommée qui a traversé plus de huit siècles. Considérés comme "bien national" sous la Révolution, le château et son vignoble sont acquis en 1818 par Jules Ouvrard. A sa mort, le clos est vendu à six négociants. Ce sera la fin du « monopole ». D’héritage en héritage, ses quelque 50 hectares sont aujourd’hui répartis entre 80 propriétaires. Quant au château, après quelques acquisitions, restaurations et dégâts de guerre, il est à présent entre de très bonnes mains, celles de la Confrérie des Chevaliers du Tastevin.
Le château, justement, fait l’objet de la dernière partie du livre de Benoît Chauvin : « Aujourd’hui, un château à revisiter ». Des prélèvements dendrochronologiques (méthode de datation fondée sur le comptage et surtout l'analyse morphologique des anneaux de croissance des arbres) de la charpente et des cuves, ainsi que des analyses au carbone 14, ont permis des datations précises, tordant le cou à quelques légendes. Ainsi, s’il peut affirmer que le pressoir « Têtu » a été construit avec des bois abattus en automne-hiver 1477-1478, il est également certain qu’aucun des arbres utilisés ne remonte à Charlemagne, mais seulement (si j’ose dire) à l'an mil. Aussi richement illustré que documenté, ce livre deviendra rapidement un ouvrage de référence pour tous les amoureux du Clos Vougeot et plus largement de la Bourgogne.
Avec des visées plus modestes, l’étude de Pierre Garelli n’est est pas moins intéressante. Elle se focalise sur la période allant de 1818 à 1861, où le Clos de Vougeot appartint à Jules Ouvrard. Veinard, outre le Clos Vougeot, le garçon possédait également l’entière Romanée-Conti, ainsi que, plus modestement (!), une belle parcelle de Chambertin. À sa mort, son héritage fut recueilli par ses neveux et nièces, qui durent aliéner l’essentiel pour garder le seul Clos de Vougeot. Ils continuèrent d’exploiter celui-ci pendant près de trente ans, avant de devoir à leur tour le vendre, début du morcellement que l’on connait.
Le Clos et le Château de Vougeot, Cellier de l'Abbaye de Citeaux. Benoît Chauvin. 222 pages. Editions du Tastevin. 2008. 60 €.
Le Clos de Vougeot au temps de la famille Ouvrard. Pierre Garelli. 172 pages. Mémoire & Documents. 2004. 29,50 €.