Voici un petit programme concocté pour une "virée" en Alsace, faite entre amis l'année dernière. Ce qu'il y a de chouette avec les programmes, c'est de ne pas les suivre, et de découvrir d'autres chôses ! Après notre première étape chez Bernard Weber, qui nous a réservé un accueil des plus aimables, et où nous avons dégusté quelques superbes flacons, nous avons pris les sideways, passant par chez Pierre Frick et la maison Becker (ce qui n'enlève rien à la qualité de ceux prévus initialement !). Qu’aurait été ce périple sans la qualité de l’accueil de la famille Klein à Saint-Hyppolite ? Nous avons trouvé chez eux, outre un gite très agréable, une palette agréable de vins, mention spéciale pour un Riesling Vielles Vignes droit comme son i.
Chez Bernard Weber (photo Christine Lé)
Les vins d’Alsace sont (à quelques exceptions près) des vins mono-cépages. Ils sont donc fortement marqués par les caractéristiques gustatives du raisin, avec des arômes souvent très puissants. Chaque cépage ayant ses caractéristiques propres.
Les cépages alsaciens se distinguent en deux grandes catégories :
- les cépages « ordinaires » : Sylvaner, Pinot blanc, Pinot noir
- et les quatre cépages « nobles » : Riesling, Muscat, Pinot gris (anciennement « Tokay pinot gris ») et Gewurztraminer
Je classerais le Pinot noir, qui donne selon la vinification un vin rosé clair à rouge, à part de cette hiérarchie. Mais c’est à chaque amateur de découvrir ses propres préférences. A cette liste s’ajoutent quelques cépages « locaux » particuliers que nous allons également découvrir.
De 30.000 ha en 1828, le vignoble s'est réduit à 8.000 ha en 1948. De nos jours, près de 15.000 ha partagés entre 8.500 propriétaires donnent 1,2 million d'hectolitres par an, dont une centaine de milliers en rouge. Très morcelé, le vignoble est réparti sur une centaine de communes, offrant une très large variété de sous-sols et de climats (Colmar, une des villes les plus sèches de France ...).
Parmi ceux-ci, 43 lieux-dits se distinguent particulièrement par leur unité géologique et leur climat particulier. Ce sont les « grands cru » où la viticulture est fortement encadrée (exemple : seuls les cépages « nobles » ont droit à l‘appellation « grand cru »), produisant moins de 5 % des vins alsaciens.
Enfin, la patte de l’homme reste primordiale. La viticulture alsacienne a longtemps souffert de la domination allemande, qui en fait une région de production quantitative. Si un certain nombre de viticulteurs travaillent encore dans cet esprit, la grande majorité s’est progressivement orientée, dès le lendemain de la première guerre mondiale, et surtout à partir de 1945, vers une production plus qualitative.
Les vins d’Alsace ont a présent largement conquis le droit de se hisser sur les plus belles tables. Ajoutez-y le travail de fond effectué de tous temps par quelques puristes et que reprend avec brio une nouvelle génération : soin à la vigne et au chai, rendements maîtrisés, agriculture bio ou raisonnée. C’est au sein des viticulteurs alsaciens que l’on trouve la plus forte concertation d’hénokiens (entreprises familiales au moins bicentenaires) au monde, après le Japon, une longévité qui n’est certainement pas due au hasard …
C’est donc avec une triple approche, à la fois des cépages, des terroirs, et des vignerons, que nous allons arpenter la route des vins d’Alsace en l’attaquant par sa porte Nord. De Marlenheim à Thann, cette route définie en 1953, parcourt une quarantaine de villages sur ses 170 km.
Vignoble à Saint-Hyppolite, sur fond de
Haut-Koenigsbourg (photo Pierre Lansu)
L’itinéraire gustatif proposé sera un peu plus resserré, autour de quelques lieux et de quelques personnes à découvrir :
Molsheim :
Bernard Weber est un vigneron que je suis depuis quelques années. Régulièrement primés, ses grands crus Bruederthal (sols marno-calcaires) enchanteront notre première étape. Moins sucrés, moins charmeurs en premier abord, les vins de la région de Molsheim sont plus floraux, plus minéraux et souvent plus complexes que les vins du sud de l’Alsace.
Heiligenstein :
Seul village où l’on trouve le Klevener, cousin du Savagnin du Jura, qui produit un vin de longue garde, à robe d’or vif et aux riches arômes de fruits secs, de noisette et de pain d’épice. Ce cépage (à ne pas confondre avec le Klevner, sans e central, qui est un allias du Pinot blanc) a failli disparaitre dans les années 70, est aujourd’hui brillamment mis en valeur par des vignerons comme Hubert Heywang.
Saint-Hippolyte :
Au pied du Haut-Koenigsbourg, le village de Miss France est également à l’origine de la plus récente des AOC d’Alsace : le Rouge de Saint-Hippolyte. Issu du seul Pinot noir et vinifié en macération longue sur marcs, on obtient un vin rouge ample et fruité, à déguster par exemple au domaine Muller-Koeberlé, l’un des artisans de ce classement en AOC.
Rorschwihr :
Encore un cépage particulier à découvrir lors cette étape : l’Auxerrois. Et l’un de ses plus vaillants serviteurs, Pierre Rolly-Gassmann, nous enchantera également avec ses très élégants Gewurztraminer. Loin des modes, les Rolly-Gassmann travaillent en respectant l’expression du terroir d’où sont issus leurs raisins.
Ribeauvillé :
Sa cave coopérative, qui adopte une approche très qualitative, offre une grande palette de vins issus d’un secteur géographique assez large, permettant de mettre en évidence l’influence des terroirs. La cave possède également un petit musée du vin.
Riquewihr :
Jean Hugel, sage octogénaire issu d’une des plus anciennes familles de vignerons alsaciens (depuis 1639), a toujours su résister aux modes et rester fidèle au terroir. Il est l’un des maîtres incontestés du Gewurztraminer. Différentes possibilités de visites dans le village : sentier viticole (de 17 km ...), circuit en petit train, musée de la vigne et de la viticulture.
Ammerschwihr :
Ville de l’amour (Amoris-Villare), elle n’en pas moins été anéantie lors de la dernière guerre. Elle possède le célèbre lieu-dit Kaefferkopf, plus ancienne appellation alsacienne, cependant pas reconnu en grand cru pour cause d’« absence d’unicité géologique » (1). Les Binner (vignerons depuis 1770) y travaillent des vins dans un esprit très nature, sans filtrage. Deux sentiers viticoles de 1h à 2h30 de marche nous remettront en train après la dégustation ...
Rouffach :
L’étape la plus méridionale de notre périple jouit d’un grand cru exceptionnel : le Vorbourg, à la couleur rouge du fait de la forte présence de fer dans son sol. Alliée à ses autres caractéristiques géologiques et climatiques, elle donne un terroir très favorable au vin rouge. René Muré y produit, entre autres, un Pinot noir de très grande qualité.
Les adresses :
- Bernard Weber : 49, route de Saverne, 67120 Molsheim – 03.88.38.52.67
- Jean & Hubert Heywang : 7, Rue Principale. 67140 Heiligenstein – 03 88 08 91 41.
- Muller-Koeberlé : 22, route du vin, 68590 St-Hippolyte – 03.89.73.00.37
- Rolly-Gassmann : 1, rue de l’Eglise, 68590 Rorschwihr – 03.89.73.63.28
- Cave Coopérative : 2, rte de Colmar, 68150 Ribeauvillé – 03.89.73.61.80
- Hugel & fils : 3, rue de la 1ère Armée, 68340 Riquewihr – 03.89.47.92.15
- Binner : 2, rue des Romains, 68770 Ammerschwihr – 03.89.78.23.20
- René Muré : Domaine du Clos St-Landelin, route du vin 68250 Rouffach – 03.89.78.58.00
En savoir plus sur la route des vins.
1 : Une partie du Kaefferkopf (littéralement "tête de scarabée") vient d'être classée en grand cru.